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« Bonus réparation » : une première année aux allures de faux départ

Le 1er janvier, le montant du « bonus réparation » augmente – une réévaluation nécessaire, selon l’association Consommation logement et cadre de vie (CLCV), qui pointe dans son bilan, publié jeudi 4 janvier, le démarrage timide de cette subvention censée alléger le coût de remise en état de certains produits électroniques et électroménagers − et prolonger ainsi la vie de nos appareils.
CLCV a étudié les statistiques collectées en 2023 par les deux éco-organismes pilotant ce bonus : Ecologic et Ecosystem. Le manque de réparateurs y transparaît nettement : dans chaque département français, on ne compte en moyenne qu’une vingtaine de points de réparation physiques labellisés Qualirépar, seuls habilités à appliquer ces aides.
Si les PME effectuent la majorité des réparations, quelques gros acteurs ont obtenu cette certification, tels le réparateur WeFix ou les magasins Boulanger. Beaucoup d’entre eux manquent cependant à l’appel. Au total, moins de 10 % des lieux de réparation du territoire sont labellisés Qualirépar, soit « 2 052 emplacements physiques où les consommateurs peuvent amener leurs appareils pour des réparations ». Le rythme des nouvelles labellisations a même baissé, stagnant autour d’une centaine par mois. Depuis le 1er janvier, toutefois, la procédure d’adhésion a été simplifiée et accélérée.
En outre, beaucoup de réparateurs pèchent par leur polyvalence. Si les particuliers peuvent facilement faire réparer leurs mobile, lave-vaisselle et lave-linge, qui constituent 66 % des réparations subventionnées, ils peinent à trouver les professionnels labellisés pour restaurer un appareil photo, un outil de bricolage ou un jouet. CLCV souligne que « la liste des produits éligibles au bonus réparation [est passée] de 14 produits à l’ouverture du fonds en décembre 2022 [à 75] au 1er janvier 2024 », mais que pour nombre d’entre eux dénicher un réparateur labellisé oblige à faire beaucoup de kilomètres.
L’objectif du ministère de la transition écologique est de faire passer de 10 millions à 12 millions le nombre de réparations annuelles d’ici à 2027. Un objectif loin d’être atteint pour l’heure : l’étude relève au contraire une stagnation des réparations subventionnées, à environ 20 000 actes par mois à la fin de 2023, soit un rythme prévisible de 250 000 réparations par an. Sans que l’on puisse savoir s’il s’agit de réparations motivées par l’aide ou de réparations qui auraient été effectuées quoi qu’il arrive.
Ce démarrage lent s’explique en partie par le fait qu’en 2023 le bonus ne couvrait pas les casses accidentelles, pourtant premier motif de réparation des smartphones, l’un des appareils les plus réparés en France. Mais depuis le 1er janvier la casse de l’écran des smartphones est désormais prise en charge. Les éco-organismes, chargés du pilotage du projet, ont lutté contre cet élargissement du périmètre du bonus.
C’est le ministère qui a finalement imposé cette évolution à ces structures privées, financées par les fabricants d’appareils, accusées par certaines ONG de dépenser le fonds du bonus trop timidement. « L’arrêté ministériel sur la casse des écrans de smartphones a été publié sans attendre les résultats de notre étude d’impact sur le sujet », regrette aujourd’hui Bertrand Reygner, directeur des relations institutionnelles et techniques d’Ecologic.
A elle seule, cette mesure devrait augmenter drastiquement le nombre de réparations. Ecologic calcule d’ailleurs que, pour que l’enveloppe du bonus y pourvoie, il faudrait, dans un premier temps, que l’écocontribution de 2 centimes versée à l’achat des smartphones passe à 2 euros. Et plus encore si le bonus gagne en popularité.
Autre ajustement entré en vigueur au 1er janvier, le doublement de l’aide à la réparation d’autres appareils très utilisés par les Français (téléviseur, lave-linge, sèche-linge, lave-vaisselle, aspirateur) : en 2023, elle n’était couverte qu’à hauteur de 15 % environ par le bonus. Mais d’autres appareils populaires ne feront l’objet que d’une modeste augmentation de 5 euros : c’est le cas, par exemple, des ordinateurs portables, dont la réparation était couverte à hauteur de 20 % par le bonus en 2023, des chaînes hi-fi (12 %), des plaques de cuisson (9 %), etc. Pas d’augmentation pour les smartphones, en revanche, puisque les aides couvrent déjà 30 % du prix de leur remise en état.
CLCV note au passage un net accroissement des coûts de remise en état des équipements les plus réparés, selon elle de 10 % à 15 % en dix mois. Une montée tarifaire qu’elle explique par l’inflation, mais aussi par le « comportement malhonnête de certains réparateurs, qui profitent de la mise en place du fonds pour gonfler leurs tarifs ».
Au sujet de ces pratiques, « un dispositif est prévu », a réagi jeudi Christophe Béchu, le ministre de la transition écologique, au « 20 heures » de TF1. Ce dispositif, c’est « le contrôle de la non-augmentation des prix supérieure à l’inflation. La sanction, c’est la délabellisation. (…) Ce sont les éco-organismes qui s’en chargent ».
Pour circonscrire ce problème, CLCV incite lui à faire jouer la concurrence. Reste que peu de consommateurs vivent à proximité de plus d’un réparateur labellisé.
Mise à jour le 5 janvier à 10 heures : ajout d’une réaction du ministre de la transition écologique, Christophe Béchu.
Nicolas Six
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